Oublier 7 fois pour retenir : vrai ou faux ?

18 Fév 2020

“Il faut oublier 7 fois pour retenir” : une  maxime bien connue quoiqu’un peu approximative. Je vous propose aujourd’hui d’en modifier légèrement la formulation pour une approche plus juste scientifiquement :  “Oublier 7 fois pour considérer que l’on sait définitivement” et d’en comprendre les fondements.

 “Oublier 7 fois” : mais qu’est-ce que l’oubli ?

L’oubli est un mécanisme naturel qui nous permet de faire le tri dans notre cerveau. Il est bénéfique (imaginez que nous conservions l’intégralité de nos souvenirs immédiatement accessibles : quel cauchemar !). Certaines personnes sont d’ailleurs atteintes de pathologies qui les empêchent d’oublier et c’est un véritable handicap dans leurs vies.

L’oubli ne veut pas dire que l’on efface les informations. Il serait plus correct de dire que l’on ne retrouve plus le chemin d’accès à l’information qui, elle, est bien stockée.
Comme dans une forêt où l’on taille un chemin. Si l’on ne passe plus dans ce chemin, la végétation revient et l’envahit en effaçant le tracé. D’où l’intérêt de réemprunter le chemin régulièrement, pour se le rappeler.

Quand devons-nous réviser ?

Pour bien comprendre cette image, il est nécessaire de connaître le concept de la courbe de l’oubli qui a été étudié pour la première fois en 1885 par un psychologue, Hermann Ebbingauss, puis affiné par la suite. Bien que le modèle reste encore imprécis aujourd’hui, il nous donne des ordres de grandeurs particulièrement intéressants sur le moment où arrive l’oubli.

Lorsqu’on apprend quelque chose de nouveau, nous avons un “plateau maximum” durant lequel les connaissances restent facilement accessibles puis l’oubli intervient. Pour que les connaissances restent dans notre esprit, il faut alors “réviser”. En somme, il est nécessaire de réemprunter le chemin régulièrement vers l’information, à un rythme régulier.

Si l’on orchestre les révisions juste à la fin de chaque plateau, on obtient le graphique ci-dessous. Evidemment, les temps donnés en abscisse (1 heure, 1 jour, 1 semaine, 1 mois) ne sont pas des valeurs précises mais elles nous donnent des ordres de grandeurs précieux.

Courbe de l'oubli permettant de mieux orchestrer ses révisions pour retenir durablement

Attendre d’avoir complètement oublié pour commencer à revoir ?

Grâce à cette courbe de l’oubli,  on comprend que réviser (réactiver le chemin) avant d’avoir commencé à oublier (juste avant que le plateau ne s’effondre) est la solution la moins coûteuse en énergie.

De plus, lorsqu’on revoit une information oubliée, nous avons une sensation amère : “Mince, je le savais pourtant…”. Pire, certains en viennent même à se dévaloriser : “Je suis trop mauvais ! Je n’y arriverais pas…”.

Vous conviendrez que d’un point de vue “émotionnel” et d’un point de vue “efficacité”, ce n’est pas l’idéal.

La bonne attitude est donc de revoir au “début de l’oubli”. Cela booste la confiance en soi et permet de passer beaucoup moins de temps à réviser.

Quand est-ce que l’on n’oublie plus ?

En se basant sur la courbe de l’oubli, on s’aperçoit qu’après chaque révision l’intervalle augmente avant la fin du prochain plateau. On peut donc supposer qu’au bout d’un moment, l’intervalle devient tellement long que le chemin de l’information est alors ancré pour la vie. Mais cela n’est malheureusement pas le cas.

C’est d’ailleurs ce qu’expérimentent certains expatriés ayant pour langue maternelle le français.
Après 10, 20, ou même 30 ans de vie à l’étranger sans pratiquer le français, ils en viennent à ne plus trouver leurs mots. Fort heureusement, en rafraîchissant leurs connaissances, les informations reviennent bien plus vite que pour un débutant ! Le réancrage (mais très très espacé) reste donc nécessaire.

Quelques principes empiriques sur le bon tempo des révisions

Dans la pratique, nous ne pouvons pas donner de date précise mais des principes empiriques :

La règle des 2 semaines
Après 1 semaine à 3 semaines de maîtrise de l’information avec des réactivations régulières, on peut considérer que même si l’on oublie par la suite ces informations, elles seront faciles à réapprendre.

La règle des 2 mois
Après 1 mois à 3 mois de maîtrise de l’information avec réactivations régulières, la prochaine consolidation se voit reportée à 6 mois ! Il est donc probable que nous réactivions involontairement ces informations via notre travail, nos discussions, nos activités.

La règle de l’espérance
Maintenant si vous voulez vraiment savoir quand vous n’aurez plus besoin de revoir… Cela sera le cas lorsque la prochaine réactivation sera supérieure à votre espérance de vie ! 😉

Alors, faut-il oublier 7 fois pour considérer que l’on sait définitivement ?
Oublier, pas tout à fait, mais réactiver le chemin de l’information : oui !