Le sujet de la mémorisation vous intéresse ? Vous souhaitez améliorer vos capacités mnésiques ou celle de vos élèves/stagiaires ?

On vous propose une série de vidéos “MEMO Talks” sous forme de discussion entre nos 2 experts/formateurs Sébastien Martinez et Guillaume Petit-Jean (tous 2 champions de France de mémoire et vice-champions du monde en équipe de France).

Pour chaque thématique abordée, la discussion s’articulera autour de 3 axes :
– le point de vue scientifique
– le point de vue des athlètes de la mémoire
– la mise en pratique avec des exemples d’apprentissage de leurs élèves (problématiques rencontrées, solutions/conseils pratiques).


MEMO Talks #2

L’entraînement par récupération : la méthode la plus efficace pour apprendre !

Pour voir la vidéo sur YouTube 👉 MEMO Talks #2

Nous avons résumé l’ensemble de cette conversation ci-dessous. *EpR = entraînement par récupération.

 


Qu’est-ce que l’entraînement par récupération ? ​💡

Pour Sébastien, l’entraînement par récupération n’est pas une relecture. Il s’agit de récupérer « sans filet » toutes les informations qui nous viennent sur un sujet donné. Cette méthode est utile notamment pour les compétitions de mémorisation quand les athlètes doivent mémoriser, par exemple, un paquet de cartes en 20s pour le restituer.

Définition théorique : processus qui consiste à s’entraîner à restituer l’information plutôt qu’à la relire ou à la revoir.

Ce processus est actif, on le nomme parfois autrement : “l’effet de test”, “rappel actif”. Cela décrit le fait qu’on retient mieux, qu’on apprend mieux, lorsqu’on teste une connaissance.

Pourquoi c’est important ?

Pour Guillaume, il faut d’abord comprendre comment la mémoire fonctionne. Pour beaucoup d’entre nous, la mémoire, c’est un peu comme un ordinateur ou une armoire dans laquelle on range/archive nos souvenirs dans un tiroir et le jour où on en a besoin, on ouvre le tiroir pour les consulter. Mais ça ne fonctionne pas vraiment comme ça !

Chaque fois que l’on accède à une mémoire (ou à un souvenir), on la modifie et donc on peut la renforcer. On comprend ainsi pourquoi l’entraînement par récupération peut marcher.

Chaque fois que l’on va tester ou rappeler un souvenir à la mémoire, il va se renforcer ou se modifier.

Ce que dit la science 📚

L’entraînement par récupération fait partie des stratégies d’apprentissage qui sont largement prouvées et testées par la littérature scientifique.

La grande majorité des études montre que c’est beaucoup plus efficace pour notre mémoire à long terme de tester ses connaissances, plutôt que de revoir ou de relire.

Nous posons souvent ces questions en formation :

Qui révise ? Qui commence par relire ses cours ? (90% des réponses = oui je relis)
Pour nos formateurs, relire un cours est une perte de temps, même si cela marche, c’est tout de même la méthode la moins efficace.

Grégoire Borst [Professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation à l’Université de Paris et Directeur du LaPsyDe (CNRS) ] dont les travaux sont très appréciés par Sébastien, mentionne l’étude suivante réalisée à Harvard :

Après 30 mn de cours, on a demandé aux étudiants, répartis dans 3 groupes :

groupe 1 : de ne rien faire
groupe 2 : de relire le cours
groupe 3 : de répondre à des questions en rapport avec le cours

puis à nouveau 30mn de cours. Ce process a été répété 4 fois, avec à la fin une évaluation pour tout le monde. Les résultats : les groupes 1 & 2 ont obtenu en moyenne le même score et le groupe 3, le meilleur score.

Il semblerait même que cet intérêt pour l’EpR faisait l’objet de discussion scientifique depuis le 17ème siècle ! (cf : Francis Bacon). La 1ère étude empirique sur le sujet date de 1909 et à l’époque ils parlaient de répétition active.

Autre avantage de l’EpR : quand on s’entraîne en se testant, on identifie beaucoup plus facilement tout ce qui va être erreur et idée fausse.

Quand on se relit, on se rassure sur ce qu’on sait déjà. Avec l’EpR on cible les erreurs et les oublis et on va focaliser son attention là-dessus et donc gagner du temps.

Pourquoi alors l’EpR est peu connu ou utilisé ? Parce qu’on n’a pas envie de se tester !

Pourquoi cette méthode est très efficace pour apprendre ?

La théorie la plus répandue, c’est celle de l’effort cognitif : plus notre cerveau fait un effort cognitif intense, mieux il retient. En apprentissage, (comme en musculation !) il faut un peu de souffrance ! « No pain, no gain ».

Pour Sébastien, cela impliquant justement un regain d’énergie, il ne faut pas pratiquer quand on est fatigué comme par exemple en fin de journée.

*Dans notre formation « booster sa mémoire », nous appelons l’EpR : « la méthode de la feuille blanche » (on prend une feuille blanche et l’on note tout ce qu’on a retenu).

Le point de vue/difficultés des apprenants 🔒

Ce que nous disent souvent les stagiaires : « je ne peux pas me tester car je n’ai pas encore appris le cours ». Pour Sébastien un simple test, même de 20s est utile car on part du principe qu’ils ont quand même écouté le cours et dans le cas contraire, selon les cours ils ont déjà des prérequis car ils ont déjà étudié d’autres matières en amont. Le blocage peut-être émotionnel (pas envie de faire ça) ou parce qu’on ne leur a jamais dit de procéder ainsi.

Pour Guillaume cela soulève 2 questions intéressantes.

1- En France, il est communément admis qu’un test, c’est pour se mesurer, savoir si on est un bon ou un mauvais élève. Il faut plutôt le voir comme un test d’apprentissage peu importe le résultat ou la note. A une certaine époque, l’éducation était réfractaire aux tests, les jugeant dévalorisants pour les élèves.
Actuellement, l’éducation moderne pratique de plus en plus le contrôle continu avec des auto-appréciations, plus d’examens blancs, plus de quiz/QCM mais dans une optique d’entraînement.

2 – La question de notre perception de notre performance individuelle. Prenons des élèves à qui on demande de relire leurs cours et d’évaluer leurs connaissances du sujet. Ils vont avoir tendance à se noter de manière assez élevée (je vais réussir mon examen). Prenons un autre groupe à qui on fait faire des tests uniquement, leur confiance en soi est beaucoup plus basse, ils vont se noter plutôt de manière basse. Par contre, le jour de l’examen, ce sont eux qui ont eu une meilleure note ! Quand on se teste, on se retrouve face à ce qu’on ne connaît pas et on est moins enclin à le faire.

Les problèmes de nos apprenants :

« La veille je connaissais mon cours et le lendemain lors de l’examen, j’ai eu un trou noir »
Pour Sébastien : le stress peut bien sûr en être à l’origine mais aussi la méthode de révisions sans test.

« pourquoi quand je lis un article qui me passionne sur l’écologie, la politique, etc., je suis incapable d’en parler à quelqu’un qui pourrait être intéressé ? »
Pour Guillaume : parce que vous ne vous êtes pas entraînés à récupérer l’information. Il aurait fallu en fin de lecture, synthétiser ou essayer d’expliquer ce qu’on vient de lire sur une feuille blanche ou directement à quelqu’un.

Le partage est aussi une forme de récupération de l’information.

Autre exemple de Sébastien, un chef d’entreprise qui lit le journal tous les matins et dont la femme lui pose toujours la même question à laquelle il était incapable de répondre : quelles sont les nouvelles ? Il a donc mis en place la stratégie de retenir les 3 points clés d’un article qui l’intéressent pour se préparer à répondre à la question de sa femme.

Autre particularité de l’effet test, quand on s’attend à être testé sur un sujet, on retient mieux car on est plus attentif !

On a tous connus la fameuse phrase d’un de nos professeurs qui a décuplé notre concentration : « attention cela va tomber le jour de l’examen ! »

Les conseils de nos experts 🔑

En compétition, quand on 5mn pour mémoriser un jeu de cartes et 5mn pour le restituer, le plus dur c’est bien la restitution et non pas la mémorisation. Sébastien ayant beaucoup de mal avait choisi d’essayer de s’entraîner à retrouver les cartes sans les regarder pour « muscler » cette capacité. Sa stratégie est la suivante : tous les jours, soit mentalement soit par écrit (par exemple le soir), il « revivait » sa journée. Au début, il n’arrivait pas à se rappeler de manière détaillée les échanges qu’il avait pu avoir mais avec l’entraînement, c’est devenu plus fluide.

  • utilisez la méthode de la feuille blanche au début de la récupération (pour vérifier ce qui est juste et faux, pour pouvoir se corriger) et de manière ultra-fractionnée.
  • consacrez les 5 dernières minutes d’une session de révision au test. Par exemple, pour mémoriser du vocabulaire ou des planches d’anatomie, on fait des sessions de 5 à 10mn, on mémorise, on fait plein d’associations pendant 5mn et à la fin on se teste. On se teste très régulièrement, toutes les 5/10mn.
  • dès qu’on commence à apprendre, il faut tout de suite se tester. Par exemple, on sort de cours, on essaie mentalement de se rappeler ce qu’on a appris. Pour les enseignants, demandez à vos élèves à la fin du cours de noter les 2-3 idées clés du cours. Autre piste, s’entraîner à récupérer uniquement le plan du cours.
  • utilisez la méthode du rappel indicé (indices de récupération) que l’on retrouve dans les quiz, questions.
  • s’entraîner selon la manière dont on va vous tester. Pour les 1ères années de médecine par exemple, si vous savez que vous allez avoir beaucoup de QCM, testez-vous avec des QCM. Si on vous demande une dissertation ou une synthèse à l’oral, entraînez-vous de cette manière là.
  • utilisez les flashcards : ce sont de petites cartes vierges où d’un côté on note la question, et de l’autre côté, la réponse. Très utile pour mémoriser toute sorte de paires d’informations comme du vocabulaire, événement/date, œuvre/auteur, pays/capitale, etc.
  • associez la révision espacée à l’EpR (on vous en reparlera dans un prochain MEMO talks).
  • utilisez la méthode des textes à trous (un texte où des mots manquent, les trous, et que l’apprenant doit remplir).
  • utilisez la méthode Feynman (Richard Feynman prix Nobel) : résumer/reformuler quelque chose à l’oral, chose que les parents font souvent avec leurs jeunes enfants ! (qu’as-tu appris aujourd’hui à l’école ?).

Pour conclure, on vous invite vraiment à utiliser l’entraînement par récupération, vous allez vous impressionner !

Pour les apprenants, vous verrez qu’au début vous aurez tendance à penser que votre feuille restera blanche mais en commençant à noter, les idées vont s’enchaîner.
Pour les transmetteurs (enseignants), si vous voulez que vos élèves retiennent votre message, testez vos interlocuteurs, commencez la phrase et attendez qu’ils la finissent, utiliser les textes à trous, des challenges, etc.

N’hésitez pas à nous envoyer vos suggestions pour nous aider à choisir d’autres thématiques de discussion !


Ressources :

La source préférée de Guillaume : www.learningscientists.org

Bibliographie :

Agarwal, P. K., Finley, J. R., Rose, N. S., & Roediger, H. L. (in press). Benefits from retrieval practice are greater for students with lower working memory capacity. Memory.

Butler, A. (2010). Repeated testing produces superior transfer of learning relative to repeated studying. Journal of Experimental Psychology: Learning, Memory, & Cognition, 36, 1118-1133.

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Kang, S. H. K., McDermott, K. B., & Reedier, H. L. (2007). Test format and corrective feedback modify the effects of testing on long-term retention. European Journal of Cognitive Psychology, 19, 528-558.

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