Est-ce bien d’apprendre par coeur ?

Demander à nos enfants d’apprendre par cœur, est-ce une bonne chose ? Devons-nous aussi à l’âge adulte continuer cette pratique ? C’est une question que l’on me pose régulièrement à laquelle il ne m’est jamais facile de répondre !

Le mois dernier, j’ai été sollicité par Le Figaro Etudiant pour un article que vous pouvez lire ici : pourquoi l’apprentissage par cœur est (finalement) efficace.

Je remercie Emma de m’avoir posé cette question, cela m’a procuré un déclic et m’a donné envie de vous en parler plus en détails.

Connaître par cœur et Apprendre par cœur

Je n’ai jamais aimé l’idée d’apprendre par cœur car depuis tout petit c’est une pratique que je…déteste !

Et pourtant aujourd’hui en tant que champion de mémoire, de nombreuses personnes pensent que je suis le champion du “par cœur”. Pour moi, c’est tout d’abord une question de définition et je préfère distinguer le “apprendre par cœur” du “connaître par cœur”. C’est un peu comme le voyage et la destination.

Connaître par cœur

Connaître certaines informations par cœur reste une nécessité sociale comme par exemple, connaître le nom de ses amis, de ses collègues, des membres de sa famille ; connaître par cœur son n° de téléphone, l’alphabet, des milliers de mots en français, etc.
Je pourrais continuer à citer de nombreuses connaissances qui restent indéniablement pratiques et utiles dans notre vie de tous les jours !

Dans certains métiers, il faut également être capable de reconnaître le nom des arbres, des espèces d’oiseaux, des noms de montagne, des pièces mécaniques…

Apprendre par cœur

L’apprentissage par cœur est un processus qui va nous mener à connaitre in fine une information par cœur. Comme je le disais plus haut, il s’agit d’un voyage vers une destination et s’il est réalisé dans de mauvaises conditions, il sera désagréable et plus long.

Les étudiants, lorsqu’ils apprennent par cœur, ne font que répéter (c’était aussi mon cas quand j’étais élève ingénieur). Le problème de cette méthode que j’apparente à du matraquage, est qu’elle n’est pas vraiment efficace, car incomplète et surtout pénible !

Il a été clairement établi que toute stratégie de mémorisation doit intégrer les 3 clés du processus de mémorisation* :

  • L’attention

C’est la capacité à être concentré sur une seule tâche à la fois de manière délibérée. C’est largement influencé par la motivation.

  • L’association

C’est la capacité à créer des liens rationnels ou irrationnels entre des connaissances.

  • La consolidation

C’est la capacité à maintenir dans la mémoire à long terme des informations. Nous consolidons grâce au sommeil, mais aussi grâce à l’entraînement par récupération. La récupération est le fait de se tester et de se corriger (je vous en parlerais dans un prochain article).

Ainsi l’apprentissage par cœur qui n’intègre que de la répétition (consolidation), est incomplet. La grande oubliée, et pourtant essentielle, est en général la phase d’association.

* nous expérimentons des outils, tous basés sur le processus de mémorisation pendant notre formation booster sa mémoire

Exemple de mémorisation

Prenons l’exemple de la mémorisation de dates historiques.

1 – Faire des associations :

Si je dois apprendre que le sacre de Cléopâtre a eu lieu en -51 (51 av. J.-C.), il est difficile pour moi de créer des associations rationnelles, car j’ai peu de connaissances sur cette période de l’Histoire.

Par contre, de manière loufoque, je peux facilement imaginer Cléopâtre qui boit un verre de pastis pour fêter son sacre.

Et pour ne pas oublier le « moins », j’imagine que le verre est très très froid, voire glacé.

2 – Consolider :

Par la suite, je n’ai plus qu’à revoir de manière espacée (1h, 1 jour, 3 jours, 1 semaine…) et la connaissance sera mémorisée très durablement.

Avec cette technique, il est facile de mémoriser des centaines de dates rapidement. Il y a peu, j’ai mémorisé en moins d’une heure, les 110 dates du jeu de société TimeLine !

A quoi bon faire tout cela ?

On me rétorque souvent que si on mémorise juste des centaines de dates sans comprendre le contexte et les interactions entre ces événements, ça ne va pas nous rendre plus intelligents !

Effectivement, on peut se poser cette question jusqu’au jour où l’on met vraiment en pratique et où l’on découvre les bénéfices. Pour moi, c’est comme dire que ça ne sert à rien d’apprendre l’alphabet pour apprendre à lire. Il est nécessaire d’apprendre l’alphabet, mais cela n’est pas suffisant pour savoir lire. Bien évidemment, il y a de nombreuses autres étapes qui vont nous permettre de comprendre les mots et tout ce qu’offre la lecture.

Dans le cas des dates historiques ou le vocabulaire d’une langue étrangère, si en parallèle nous ne pratiquons pas, ne lisons pas et ne nous intéressons pas à la période de l’histoire où à la langue, nous n’aurons en mémoire qu’une liste de dates et évènements, mais aussi une incapacité à lier ces éléments.

Mais si vous allez plus loin, vous verrez que ces premiers acquis vont vous permettre (comme l’alphabet) d’aller beaucoup plus vite dans la maîtrise de cette nouvelle connaissance.

Pour conclure

Aujourd’hui l’apprentissage par cœur est très controversé.

Il me semble bien sûr inconcevable de ne pas maîtriser certaines connaissances par cœur.

De mon point de vue, je trouve que le problème vient de l’intention. L’apprentissage par cœur est bien souvent mal réalisé, et devient pénible et peu efficace. On cherche absolument à transmettre des connaissances mais le plus important c’est comment nous accédons à ces connaissances. Comme dans l’analogie du voyage et de la destination.

La destination ce sont les matières, les connaissances alors que le voyage, c’est la connaissance de soi et de son « cerveau » ou la métacognition pour arriver à l’objectif.

Mon conseil est de penser à bien associer vos connaissances de manière logique ou loufoque avant de les répéter !

Oui pour un apprentissage par cœur mais avec du plaisir !